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L’APPEL DU SOL

des éléments. La boue monta au-dessus des chevilles. Par endroits, elle vous enlisait jusqu’aux genoux. La terre suintait : elle avait des sueurs de sang jaunâtre. On creusa des trous d’écoulement, des puisards. Inutile, la pluie continuait et l’eau montait dans la tranchée, s’insinuant dans les abris, gagnant de boyau en boyau toutes les lignes. Elle coulait d’une parallèle d’attaque, qui paraissait une source et, bientôt, un ruisseau charriant des sacs, des poutres, des cadavres décomposés que l’eau déterrait. Le brouillard, à présent, prolongeait la nuit. Il semblait que revînt l’automne et que se continuât sans interruption l’obscurité avec ses émotions. La pluie fine et la brume noyaient toute clarté. On ne voyait pas au delà du réseau. En même temps, les artilleries devenaient plus actives. Les gros obus passaient continuellement dans l’air, sans laisser une minute de tranquillité. Les ravitaillements se faisaient avec peine : on ne pouvait circuler dans les boyaux ; leur boue emprisonnait les pieds, vous collait les semelles, étreignait les cuisiniers qui arrivaient couverts d’une cuirasse de terre, ruisse-