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Ce fut un enchantement. Ils s’aimèrent avec une sorte de fureur sauvage et passionnée, comme ces amants des légendes qui savent que le temps leur est mesuré. Le printemps avançait et les primevères et les aubépines et les arbres fruitiers avaient désormais la compagnie de toutes les fleurs des champs. Les nuits mêmes étaient devenues douces et embaumées par les troènes et les vignes en floraison. Ils se promenèrent par les ravins, sous des berceaux de lauriers-roses et par les sentiers pierreux des montagnes. Ils ne se quittaient plus. Lucien restait toute la journée avec Marguerite, soit qu’elle vint à l’hôpital pour y remplir sa charge, soit qu’il allât la rejoindre chez elle. Le soir, à sa fenêtre, il songeait encore à elle : il écrivait de longues lettres à Vaissette pour lui raconter ses amours, ou, fumant sa pipe et regardant la lune monter au ciel, il évoquait le souvenir des grands yeux sombres de Marguerite, du soupir de sa gorge quand on parlait de la prochaine séparation, et soudain, le corset rose délacé, de ce corps admirable et chaud, que cachait à peine sa légère chemise.