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À L’AMBULANCE

bleuâtres, mettaient à nu les muscles profonds et les os. Sur toutes ces misères saignantes les ambulanciers appliquaient l’ouate neigeuse, dont la blancheur semblait une promesse de salut et de rédemption. On bandait la fracture ou la déchirure et vite on emportait le malade pour faire place à un autre. Un coup d’éponge par terre, un autre broc d’eau, et c’était fini. De temps à autre le brancardier emmenait sous son bras, en allant vider son seau, quelque membre coupé, un pauvre membre vivant une minute auparavant, qu’il allait jeter dans un trou creusé au fond du jardin.

Le jardin ombragé par des platanes était empli, lui aussi, de blessés hurlant leur agonie ou évanouis. Ils regardaient avec terreur les allées et venues du malheureux infirmier. Leurs yeux se dilataient. Le soleil couchant répandait sur eux et sur toutes leurs douleurs la grâce de sa lumière et le petit vent du soir faisait frémir sur la muraille les feuilles de la vigne vierge qu’empourprait l’automne.

Le sous-lieutenant avait demandé à un infirmier où était son camarade. Il ne savait pas.