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À L’AMBULANCE

entouré de deux ou trois ambulanciers et se penchait sur une plaie. Un infirmier avait pour seule fonction d’aller chercher à la fontaine des seaux, puis de vider leurs eaux sanglantes. Un litre de sang suffisait pour rendre écarlate l’eau pure : de sorte que le soldat paraissait répandre dans la cour des fleuves de sang. Les blessés allongés par terre, sur de la paille, attendaient leur tour, les uns dans la fièvre, les autres placidement. Ils se couchaient sur la table. On déchirait, pour aller plus vite, leur uniforme, le premier pansement. Certains tremblaient comme des enfants. La plupart étaient stoïques. Les ciseaux d’acier, les lames minces, les scies luisaient. C’était un va-et-vient incessants de patients et d’opérés, le plus lamentable entassement qui se puisse concevoir de membres meurtris et de chairs souffrantes.

Il fallait fouiller dans la plaie pour retrouver la balle ou l’éclat, enlever ce qu’on pouvait du drap emmené par le projectile. Il fallait couper des doigts qui ne pendaient plus à la main que par des lambeaux de chair, arracher les membres entamés par la gangrène et la pourriture. Les médecins n’avaient même plus le temps de