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Les échelons d’artillerie apportant des obus se suivaient sans interruption. Des compagnies passaient, qui retournaient au feu. Un escadron de hussards s’obstinait à faire boire ses chevaux aux fontaines municipales, barrant le passage, portant à son comble le désordre. Les gendarmes apostrophaient les soldats : mais on ne comprenait jamais ce qu’ils voulaient. Des isolés cherchaient leurs régiments : des zouaves, des fantassins, des chasseurs, des nègres. Le bruit des camions roulant sans arrêt emplissait l’air comme le grondement d’un torrent ou du vent dans les arbres. Et surtout c’était un interminable défilé de blessés.

La lutte continuait. On entendait son vacarme, le tapage familier de l’artillerie. Mais l’ennemi avait reculé. À présent le village était hors de la portée de ses pièces. Et c’était vraiment ici l’envers de la bataille.

À quelques kilomètres, sur la ligne de feu, la saignée continuait. Spectacle triste et long : une attaque succédant à l’autre, les unités fondant comme dans un brasier, les cadavres parsemant les chaumes et les prairies. Mais spectacle de grandeur : les hommes se précipitant