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LA BATAILLE CONTINUE

Vaissette appuya :

— Ils n’attendent point de récompense. Ils n’escomptent point la gloire : c’est un mot vague qui ne dit quelque chose qu’aux gamins charmants de vingt ans ; il n’a pas de signification pour ceux qui seront un de ces cadavres anonymes dont l’amoncellement assure la victoire. Ils n’ont pas le sentiment précis de défendre leur lointain foyer, leur champ paternel, la maison où demeure leur femme. Ils ne se battent point pour un passé de noblesse et de gloire dont ils ne savent point l’histoire. Ils font un rempart de leur poitrine à un peuple de lâches qui se cachent dans les dépôts, à des bourgeois prodigues en paroles mais non en dévoûments, et moins avares du sang de leur fils que de leur or, qui sauve aussi la patrie. Et c’est un enfantillage de prétendre que cette docile masse humaine se livre à la boucherie par une discipline intérieure de sa conscience qui la forcerait à accomplir son devoir.

— C’est vrai, murmura le capitaine. Nous ne faisons qu’obéir à une invincible volonté qui se communique à nous. Elle naît des entrailles