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LA BATAILLE CONTINUE

— Je vais vous faire une confidence. J’ai confondu jusqu’ici mon amour pour la France et mon culte pour Dieu. Mon patriotisme et ma foi se mêlaient dans le même enthousiasme d’action. Cette guerre était une croisade. À présent, ce n’est plus tout à fait la même chose. Quelques semaines de campagne et la tragédie des heures d’hier m’ont apporté un peu de clarté. Oui : je crois et j’aime mon pays. Mais ces deux passions sont devenues des choses distinctes.

» Ma religion comme je vous le disais, me rend plus aisés le sacrifice et la résignation : mais elle ne me détermine plus à me sacrifier et à me résigner. Elle est un réconfort, elle n’est plus un mobile d’action. C’est la patrie seule qui me pousse à me battre, à m’offrir à la mort. Si je meurs, je serai mort en bon chrétien, mais je ne serai pas mort pour le christianisme : je serai mort pour mon pays.

— Ce que vous dites là, fit Vaissette, me bouleverse. J’ai rêvé d’un monde ici-bas, comme vous là-haut, où les frontières seraient abolies. Et j’espère que le soleil luira un jour sur des générations qui ne connaîtront plus les