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pille, pousse dans la tempête ses soldats. Il a le sentiment d’être le semeur qui jette au vent son blé par les sillons.

Aucun groupe n’hésite ou ne faiblit. Tout à gauche, Vaissette a fait plus de progrès. À droite, au contraire, une section ralentit sa marche à la mort.

— Tu es là, Girard ? demande Lucien.

— Ça va, ça va, mon lieutenant, répond placidement l’ordonnance.

Celui-là est de la race que rien n’émeut et chez qui le courage semblerait n’être plus méritoire tant il est instinctif.

— Rampe jusqu’au sergent Batisti : ses hommes s’endorment entre leurs bonds. Dis-lui de les enlever et de n’avoir d’yeux que pour moi et pour l’ennemi. Dépêche-toi. Ne te fais pas tuer : il faut que l’ordre arrive.

Et Lucien surveille de nouveau tous ses chasseurs, qui avancent invinciblement. De mètre en mètre, ils se suivent, couvrant les champs et les labours. Leurs dos, qui se soulèvent et s’abaissent, paraissent le moutonnement des vagues de la mer.

C’est alors qu’éclate la fanfare.