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On court encore. On voit l’éclair fulgurant qui jaillit du canon des fusils allemands. Ils sont là, à quelques mètres. On va les saisir. Il semble que la terre vacille et que la roue vous saisisse dans son tournoiement.

Le sous-lieutenant vient de s’aplatir à quelques pas de la tranchée. La souffrance de la chute le rappelle à lui. Le calme lui revient.

— Pourtant je ne suis pas blessé, dit-il.

Non. Il ne comprend pas pourquoi il est couché. Il a perdu ses lunettes : il est comme un naufragé qui se débat. Mais il ne peut remuer les pieds. Quelqu’un doit les tenir. C’est un réseau de fil de fer très bas, courant au ras du sol, qui l’a jeté à terre.

Et tout le flux de chair humaine vient s’affaisser contre l’invisible et fragile rempart.

En haut aussi, il y a un réseau de fil de fer : celui que tendent les balles qui se croisent.

On distingue, au milieu des décharges, les commandements des officiers prussiens.

Des chasseurs arrivent au réseau. Ils culbutent. À côté de l’officier les corps s’amoncellent. Et tous les hommes tombent, arrêtés par les fils tendus, arrêtés par les balles. Ils