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LA BATAILLE

ininterrompue. On sentait les bataillons soudés aux autres bataillons. On avait l’impression d’une masse.

Les chasseurs suffoquaient… Le soleil les cuisait, augmentait leur transpiration. Ils gardaient dans les oreilles le bruit des détonations, le souvenir de l’horreur subie en silence l’heure précédente. Ils savaient que ce n’était qu’un commencement. Plusieurs avaient pâli. Servajac se taisait farouchement ; il songeait à son camarade Diribarne, décapité à côté de lui. Ils se sentaient condamnés à mort.

Mais une force immense, qu’ils ne comprenaient pas, s’était emparée d’eux, les poussait à l’action. Nul ne songeait à marchander son sacrifice. Ils étaient le jouet des événements et du destin. Ils obéissaient à l’appel du sol.

Rousset répétait machinalement :

— C’est la boucherie, c’est la boucherie.

— Mais oui, c’est la boucherie, répondit Angielli, puisque c’est la guerre.

Il ajouta :

— Ça ira !

Il fredonna l’air révolutionnaire.

Ils regardaient les fantassins qui entraient