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LA BATAILLE

états-majors ! À quoi pensaient-ils d’envoyer ces compagnies à l’assaut sans préparation d’artillerie ? Il se leva encore une fois, contempla ses hommes étendus par le champ, le dos rond, prosternés, tels des musulmans pour leur prière.

— Qu’importe, dit-il, nous vaincrons !

Un agent de liaison lui apportait un mot de Vaissette.

« Qu’attendons-nous ? » demandait celui-ci.

Il ajoutait une réflexion plaisante : « Je songe sous ce bombardement que le Fabrice de Stendhal a assisté à la bataille de Waterloo sans s’en douter. Je vous assure que, pour l’instant, je me doute que nous participons à une bataille qui comptera dans l’histoire… »

En post-scriptum, le sous-lieutenant avait griffonné : « Si nous ne nous revoyons pas, songez à mon portefeuille. »

Mais la figure de Lucien se rasséréna : nos batteries avaient ouvert le feu. Quelques flocons de fumée venaient d’éclater sur Laumont, s’étaient joyeusement dissipés dans l’air : on réglait le tir. Puis, avec une rapidité folle, les rafales se succédaient. On entendait les obus passer. Ils explosaient en même temps sur les