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— Aussi, c’est pas la guerre, c’est la boucherie, fit Rousset.

— Imbécile, tais-toi, cria le caporal Gros.

Rousset s’obstinait :

— C’est la boucherie.

L’ennemi était si près, sur la crête voisine, qu’on entendait le grincement des mitrailleuses qui crachaient sur la première division.

— Ce moulin-là fait du sale café, cria Angielli.

Il clignait de l’œil au caporal, au sergent, à tous les gradés : il fallait distraire les camarades.

Mais ses plaisanteries n’avaient aucun succès. Les camarades restaient immobiles dans l’herbe, comme des lézards. Servajac coupait du foin avec ses dents. Un éclat venait d’atteindre Diribarne, le décapitant ; la tête était presque détachée du tronc, et le sang, en bouillonnant, maculait la face, trempait le costume.

Rousset répéta :

— C’est la boucherie.

— As-tu fini, cria Gros, ou je te tape dessus ?

Il ajouta :

— C’est les meilleurs qui sont tués, et c’est les plus vaches qui se plaignent…

» Bon Dieu, regardez l’officier !