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PAROLES AVANT LA BATAILLE

chez l’autre c’était peut-être un défaut de sentiment critique, c’était sûrement, par delà les modalités du temps, une claire vision mystique des réalités vivantes de l’avenir.

Les quatre officiers étaient assis sur la terre. Leur pèlerine les protégeait du brouillard qui tombait. Ils parlaient à voix basse, pour ne pas déranger les hommes qui dormaient et pour ne point troubler le silence nocturne.

Lumineuse, une fusée lancée par l’ennemi, jeta sur la lisière de la forêt les éclairs limpides de ses feux. Quéré se leva. Par sa grande silhouette osseuse, il ressemblait à Don Quichotte. L’obscurité revenue, il se rassit.

— C’est long, ces heures qui précèdent l’attaque, dit Vaissette.

Le capitaine eut un geste pour signifier : Qu’importe ?

— Vous pensez qu’ils seront écrasés, mon capitaine ? demanda Lucien Fabre.

— Me croyez-vous capable de douter des destinées de la patrie ? répliqua fièrement de Quéré. Je m’en voudrais de me poser cette question, et surtout au moment de l’assaut.

— Moi, je ne sais pas, dit Vaissette. Mais