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« MORITURI TE SALUTANT »

Servajac avait revu une haute prairie cévenole et le vent dans les châtaigniers ; Angielli, les tavernes des quartiers marseillais enfiévrées de disputes politiques ; Rousset, le champ d’oliviers et de vignes dormant au soleil ; Pluchard, les cabarets de la Butte, le moulin de la Galette et les dimanches populaires au bord de la Marne ; Diribarne, le vol des palombes sous les verts ciels d’automne des côtes et des cimes pyrénéennes : ce qui était vraiment pour chacun d’eux la France, ce pour quoi ils l’aimaient. Et c’était très vague, aussi vague que le souvenir des parents, des amours laissées là-bas. Tout était indistinct en eux comme l’appel de la patrie. Mais leur détermination était précise et nette : ils mourraient, s’il le fallait, ce soir ou demain. Et c’est pour cela que la France ne pouvait pas être vaincue.

Alors, le lieutenant Lucien Fabre ajouta :

— Camarades…

Puis, il se reprit. Il parlait en chef. Il parlait à ceux qui allaient mourir, aux élus et aux condamnés de la Patrie.

— Soldats, dit-il à ses chasseurs, je vais vous lire l’ordre du jour du Général en chef.