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L’APPEL DU SOL

d’acier ne pouvait jamais se reposer que quelques heures. Servajac, lui aussi, ouvrit les yeux. Ils s’étirèrent. Ils regardèrent leurs camarades étendus par le champ.

— On dirait, fit Servajac, qu’ils se sont couchés pour laisser passer les obus.

— Je ne croyais pas, déclara Diribarne, qu’à la guerre on aurait du bon temps.

Servajac réfléchit longuement et lui dit :

— C’est selon : il y a du bon et du mauvais.

Puis il se tut. La conversation entre ces deux êtres était lente. Ils ruminaient leurs paroles. Ils ne trouvaient pas facilement des mots pour exprimer leur pensée profonde. Et du reste, les mots leur apparaissaient comme si précis, quand ils formaient une phrase, qu’ils leur semblaient trahir plutôt que traduire des sentiments encore obscurs et vagues. Servajac avait allumé une courte pipe. Diribarne mâchait voluptueusement une pincée de gros tabac de cantine. Il interrogea :

— Tu y pensais, toi, à la guerre ?

— Et toi ? demanda Servajac.

Diribarne remua la tête négativement. Il expliqua :