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L’APPEL DU SOL

songea : « D’où vient le tonneau ? » Il avait le sentiment de la propriété. Il murmura à mi-voix : « Ce n’est pas bien honnête. » Mais comment résister à cette énorme liesse de toute une compagnie ? Il vit le vin dont le jet, sortant de la tonne, était éclairé par un maléfique rayon de soleil : il prenait tous les tons du carmin, de l’incarnat, de la pourpre, du vermillon, de l’écarlate. Et le sergent tendit son quart, attendant son tour. Mais Rousset avait rempli une cruche pour verser quelques litres dans le bouillon : car ce breuvage donne du cœur au ventre et ranimerait les morts ; nul soldat ne l’ignore. Il offrit la cruche au sergent. Et celui-ci, la tenant par les côtés rebondis comme ceux d’une amphore antique, faisait couler le vin dans sa gorge, buvait à même le goulot, jouissant de tout son être.

— C’est la bonne vie, déclara Rousset.

— T’en fais pas, répondit Gros. Quand on sera rentré chez nous, il faudra pas que les autres nous embêtent.

Servajac répondit par un juron énergique.

Le sens de ces paroles n’était peut-être pas très clair. Mais les hommes se comprenaient