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L’APPEL DU SOL

et copieusement injuriés. La station durait parfois longtemps.

On n’osait pas quitter son sac, se coucher sur le talus. Si, de guerre lasse, les uns s’y décidaient, la colonne s’ébranlait immédiatement, comme par un fait exprès… Mais on semait quelques hommes de plus à chacune de ces haltes.

Puis, il fallait à tout instant se déranger, pousser les camarades, les piétiner pour laisser passer à gauche des automobiles, un échelon d’artillerie, des dragons ou des hussards dont les bêtes ruisselaient, s’ébrouaient, vous couvraient de sueur et d’éclaboussures.

— Ils n’ont rien à faire, et encore on leur donne des chevaux ! disait Rousset.

Le caporal Gros, ni son ami le caporal Bégou n’osaient répondre : ils ne croyaient plus à la puissance de l’artillerie, à la force des escadrons de cavalerie dont les charges les épouvantaient pendant les manœuvres. Sinon, les Allemands seraient-ils arrivés jusque-là ?

Vers minuit, on s’arrêta. Mais il était interdit d’allumer le moindre feu. Impossible de boire quelque chose de chaud. On n’avait pas de vin