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UNE ÉTAPE

dans les hameaux. Les chasseurs se représentaient un intérieur comme celui qu’ils avaient laissé. Il y avait un chien qui aboyait sur la porte, des poules que rentrait une femme, un enfant qui pleurait dans la maison. Les hommes se disaient que là des gens s’attablaient autour de la soupe, qu’ils avaient du feu, qu’ils auraient un lit : ils sentaient plus cruellement leur ventre vide, l’humidité pénétrant leur vareuse, le voyage en fourgon et les kilomètres interminables dont leur corps était tout courbatu.

Tout à coup la colonne s’arrêtait. Pourquoi ? On n’en savait rien. Aucun ordre ne parvenait de rompre les rangs. Alors, on restait là, à attendre. Les uns disaient : « Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qu’il y a ? » Les autres se taisaient, résignés. C’était un convoi que la tête de la colonne avait rencontré au croisement d’une route, une troupe qu’on avait rattrapée, le commandant qui hésitait, dans la nuit, entre deux chemins, identifiait au terrain le tracé de sa carte. Le bataillon entier restait debout, après que les chasseurs, surpris à moitié endormis, s’étaient jetés les uns sur les autres