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UNE ÉTAPE

sentait fils de ces rebelles que n’avaient pu soumettre les dragons du Roi.

— Il vaut encore mieux, dit Rousset, être étendu dans un champ sous les balles que de tricoter ainsi avec ses jambes.

Servajac ne répondait pas. Mais Vaissette avait entendu. Il intervint :

— Souviens-toi qu’on fait la guerre autant avec nos jambes qu’avec nos fusils.

Car Vaissette se rappelait que c’était là une des théories de Napoléon. Et comme tous les Français, et comme l’état-major lui-même, il en était encore aux dogmes du grand vainqueur d’Austerlitz.

— Si c’est pas malheureux ! conclut Rousset.

— Qu’on marche ou qu’on soit arrêté, qu’est-ce que ça fait ? déclara Servajac.

Son corps était incapable de ressentir aucune fatigue. Ses muscles étaient de fer. Alors, tout lui était indifférent. Il ne savait qu’une chose : il avait quitté son champ de seigle, ses moutons et ses châtaigniers ; il ne pouvait les retrouver encore, puisque c’était la guerre. Que lui importait donc qu’on l’employât à telle chose ou à telle autre ? Il se disait cela confusément.