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L’APPEL DU SOL

Les hommes avaient faim. En Lorraine, on avait, pendant les étapes, du blé pris à pleines poignées le long des routes, des pommes de terre qu’on faisait cuire au moindre arrêt, qu’on mangeait presque crues et brûlantes, ces mirabelles dont l’or parsemait les vergers ; un homme en emplissait son béret, rattrapait en courant la colonne, distribuait des fruits à toute l’escouade. Sur ces confins de la Champagne et de l’Argonne, il n’y avait rien à glaner. On n’avait pas touché de vivres. On avait faim. Tout le long de la route, les chasseurs avaient ramassé des morceaux de bois, les avaient mis sur leur sac, pour faire un feu et le café. Cette eau chaude et sucrée, qui n’a guère que le goût de fer-blanc de la gamelle et des quarts, est l’huile qui fait marcher la machine humaine qu’est un régiment. Mais on n’avait point fait de halte assez longue pour allumer les brindilles. On avançait presque sans arrêt.

— Faut croire qu’ils ont besoin de nous le plus tôt possible, déclara le caporal Gros.

— Heureusement que nous sommes là, répondit Angielli.