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L’APPEL DU SOL

lamentablement drôles dans leurs atours à la mode des villes provinciales, un vieillard conduisant son bétail, une grand’mère tirant par le bras un gros garçon qui souffle dans son mirliton.

La nouvelle a circulé d’un bout à l’autre de la colonne. Elle n’émeut pas les hommes, car ces montagnards ne réalisent les choses qu’avec le temps. Du reste, le soldat en campagne accepte tout sans étonnement et sans murmure, les joies, les douleurs et la mort. La fatigue l’a dompté.

Le caporal Gros est pris pourtant d’un grand et universel dégoût. Soudain il ne croit plus à rien, lui qui était le canal de toutes les nouvelles et l’écho de tous les bruits. Et Bégou ne peut pas lui remonter le moral. Ils n’ont plus foi dans les Japonais, ni dans les obus de Turpin qui tuent à trente kilomètres, ni dans le rouleau compresseur des Russes.

— C’est la faute de nos artilleurs, dit Gros. Ces fainéants, tu ne les vois jamais.

— On est mal gouverné, conclut Bégou.

Ces explications leur suffisaient. L’une indiquait la cause immédiate et précise de la