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UNE ÉTAPE

— À Paris…, à Paris…, répétait Fabre, comme frappé par un coup de massue.

On avait obliqué à droite et l’on avançait de nouveau dans la forêt. Lucien avait fait appeler Vaissette, qui accourait.

— Vaissette, dit-il, savez-vous où sont les Prussiens ?

Le sergent comprit qu’il s’agissait d’une mauvaise nouvelle. Il demanda :

— Ils ont pris Liège ?

L’officier répondit :

— Ils sont à Paris…

Le sergent fit « Ah ! » Ce fut tout. Les deux amis marchèrent en silence le long de la colonne, sans oser échanger leurs impressions, courbés sous le brouillard et sous le poids de leur pensée. À présent, on suivait une large chaussée. Comme quelques jours auparavant, on croisait des troupeaux humains fuyant devant l’invasion. L’exode de toute une population vers l’intérieur : des familles entières dans une voiture centenaire, des isolés restés avec entêtement jusqu’au dernier instant dans la maison, des femmes à moitié nues ou endimanchées comme pour la noce, des paysannes