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— Ni fétu dans l’œil, ni coton dans l’oreille. — La figure de pierre avait ri, — ri d’un rire grimaçant, effroyable, infernal — mais sarcastique — incisif — pittoresque. »

J’eus honte pour moi d’avoir eu si longtemps affaire à un monomane. Cependant j’encourageai d’un sourire le rose-croix de l’art à poursuivre sa drôlatique histoire.

— « Cette aventure, continua-t-il, me donna à réfléchir. — Je réfléchis que, puisque Dieu et l’amour étaient les premières conditions de l’art, ce qui dans l’art est sentiment, — Satan pourrait bien être la seconde de ces conditions, ce qui dans l’art est idée. — N’est-ce pas le diable qui a bâti la cathédrale de Cologne ?

« Me voilà en quête du diable. Je blémis sur les livres magiques de Cornelius Agrippa et j’égorge la poule noire du maître d’école mon voisin. Pas plus de diable qu’au bout du rosaire d’une dévote ! Néanmoins il existe : — saint Augustin en a, de sa plume, légalisé le signalement : Daemones sunt genere animalia, ingenio rationabilia, animo passiva, corpore aerea, tempore aeterna. Cela est positif. Le diable existe. Il pérore à la chambre, il plaide au palais, il agiote à la bourse. On le grave en vignettes, on le broche en romans, on l’habille en drames. On le voit partout, comme je vous vois. C’est pour lui épiler mieux la barbe que les miroirs de poche ont été inventés. Polichinelle a manqué son ennemi et le nôtre. Oh ! que ne l’a-t-il assommé d’un coup de bâton sur la nuque !

« Je bus l’élixir de Paracelse, le soir avant de me coucher. J’eus la colique. Nulle part le diable en cornes et en queue.

« Encore un désappointement : — l’orage, cette nuit-là,