Cependant la neige tombe épaisse et glacée ; les eaux du lac bourdonnent; et Genève apparaît au loin, avec ses clochers, comme une nuée de corbeaux pesants qui volent à travers les brouillards.
Tout à coup maître Schwartz s’arrête et arme sa carabine. Il a aperçu un troupeau de daims qui sommeillent sans méfiance, accroupis, le ventre dans la neige.
— « Un moment, lui crie son compagnon; l’avalanche a bougé. »
Il est trop tard. La détonation frappe d’épouvante le troupeau de daims; tous s’élancent et fuient. Le plus grand, dont le cou est percé d’une balle, hésite, trébuche; et l’avalanche, qui se précipite en roulant, l’emporte avec elle dans le lac.
— « Quel malheur ! dit le vieillard.
— Au contraire ; nous avons bien du bonheur, dit le jeune homme, en descendant dans le sentier. »
L. B.
Ces extraits colligés avec piété ajouteront-ils en quelque manière à la gloire de Louis Bertrand ? Qu’on en pense ce qu’on voudra : il nous a paru intéressant, après vingt ans écoulés, de rajeunir cette œuvre désormais consacrée, par un retour vers ses commencements et par un regard jeté plus avant dans l’intimité de la vie de l’auteur et de son esprit.
Toute réputation littéraire comporte nécessairement trois phases.
La première, phase de publication timide et prudente : on élague, on choisit ; on veut se montrer avec ses seules forces, afin de faire coup plus sûre-