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Virgile voulut avoir le génie d’un temps qu’il ne connut point, voilà toute la différence. Ce qu’Homère pouvait naturellement, Virgile ne le pouvait plus naturellement, ou ne le pouvait plus de la même manière qu’Homère. Les temps primitifs étaient pleins de faits, avons-nous dit, et les temps civilisés sont pleins de paroles. Venons au but : l’épopée de la barbarie doit être lyrique, parce qu’elle célèbre des combats ; l’épopée de la civilisation doit être dramatique, parce qu’elle peint des sociétés. Et, ajouterons-nous, si l’épopée lyrique doit être en vers, l’épopée dramatique doit être en prose. A tout cela on jettera les hauts cris; mais l’auteur n’en démordra pas, et tient d’autant plus à ses idées qu’elles lui appartiennent. Faites, on vous le permet, messieurs les classiques, des épopées à la façon d’Homère, de Virgile, du Tasse, voire même de Voltaire, et vous échouerez. Des exemples éclatants prouvent tous les jours ce que j’avance.

Les modernes que le Classique conduisait à la lisière ont fait des épopées comme on calque un beau dessin dont chacun veut garder une copie, et c’est à qui aura la meilleure copie : chaque peuple eut donc sa copie plus ou moins fidèle, son épopée plus ou moins classique. De là cette quantité d’épopées banales, qui se se ressemblent toutes entre elles à peu de chose près, enfants d’une même famille.

Tandis que les classiques s’exténuaient à reproduire