Comment décrire la foire de Beaucaire? Peine perdue de l’essayer ; à l’imagination de mes lecteurs d’y suppléer. Ce n’est que le soir, lorsque le soleil baissait et que les chaleurs étaient attiédies, que commençaient les promenades dans le pré de Sainte-Magdeleine : une forêt de mâts illuminés, les boutiques brillantes de l’éclat des lumières et des bijoux, des essaims de jeunes dames rayonnantes de grâces et de toilette, tout excitait à la joie, aux chansons et aux rires. Vers les neuf heures du soir, des bals et des danses se formaient sous l’ombrage : il y avait le bal des Provençaux, le bal des Catalans, le bal des Portugais, le bal des Italiens, le bal des Chinois, autant de bals que de nations. Il y avait des mandolines, des violons, des flûtes, des hautbois, des tambourins à la provençale, qu’on touche avec une seule baguette, des castagnettes, des galoubets, autant d’instruments que des danseurs ; au bal de France, les officiers courtisaient les belles de Beaucaire, et brillaient dans les quadrilles ; mais pendant qu’on se livrait à la joie, que Polichinelle faisait des siennes, que la danse tournait dans le pré, que mille voix se rencontraient dans les airs, sur les degrés de la chapelle priaient dévotement à l’ombre de pauvres vieilles femmes prosternées, et de loin en loin on entendait, au pied de la montagne, du côté des feux des Bohémiens, des cris confus de gens qu’on dévalisait ou qui ferraillaient contre des spadassins.