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chés morts, ses tentes seront renversées ; lui-même, à cette heure, est peut-être déjà rayé du livre des vivants!

— Y a-t-il quelqu’un ici, dit un vieillard, qui veuille aller jusqu’à la lisière du bois voir de loin si les feux de veille sont éteints au camp des Anglais? »

A cette interpellation, point de réponse : tous demeurèrent muets. En ce moment, on entendit au dehors le pas d’un cheval. La sentinelle, épouvantée, ferma précipitamment le guichet. Les chiens qui dormaient commencèrent à gronder, et les enfants à pleurer. Chaque soldat apprêta ses armes, tandis que la matrone qui faisait la sainte lecture et les jeunes femmes à genoux récitaient l’oraison de saint Jean.

— « Qui va là ? cria la sentinelle entr’ouvrant le guichet. Pour qui tenez-vous ? »

On répondit du dehors par un long éclat de rire et par les fanfares d’une trompe. Appelait-il ses compagnons ? La porte fut ouverte, et aussitôt une nuée de traits fut lancée dans les bois.

Le cavalier roula en même temps que son coursier sur la pelouse; il n’était sans doute point blessé, car il cria d’une voix pleine de bonne humeur :

— « Et vite, et vite, messeigneurs, tirez-moi d’ici ; je tiens pour la bonne chère et le vin vieux. Messeigneurs ! messeigneurs ! Diable ! ne sonne-t-on pas de la trompe à la porte d’un château ? »

On jugea à ces paroles qu’on n’avait rien à crain-