de figure, de son et de relief. Bertrand le comprit; et c’est là sa gloire. Et c’est parce qu’il a eu ce sentiment si juste et si net du danger présent, et cette intuition si lucide de l’avenir, que son livre a duré et ne périra pas.
Peu importe que ce livre, publié dix ans trop tard, alors que les questions étaient vidées et résolues avec éclat, n’ait point trouvé d’acheteurs, et que sa mise en vente ait été, comme le dit son éditeur, « un des plus beaux désastres de la librairie contemporaine. » Ce livre est aujourd’hui recherché et payé quatre fois la valeur du prix marqué, par des gens qui n’ont pas eu l’esprit de le ramasser à l’étalage des bouquinistes et des librairies au rabais, où il est resté pendant des années. Il est devenu « rare et précieux,» selon le style des catalogues, et cette rareté pouvait être aux yeux de quelques-uns un charme de plus ajouté à l’exquisité aristocratique de l’œuvre et à l’obscurité légendaire de son auteur.
La charmante notice de Sainte-Beuve (i) a révélé Louis Bertrand à la génération qui l’a suivi. Il y avait dans ce portrait d’un poëte mort jeune (et mort à l’hôpital !) dans cette histoire d’une vie vouée tout entière à l’art, et aussi dans les fragments cités, spécimens d’un génie original et précieux, de puissants attraits pour de jeunes esprits nés au lendemain de la grande
(1) Réimprimée au lome II des Portraits littéraires.