Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/83

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’abord à la défigurer. Ronsard en fit un jargon barbare, hérissé de grec et de latin ; mais heureusement il la rendit assez méconnaissable pour qu’elle devînt ridicule. »

D’Alembert n’aurait-il pas mieux fait de passer Ronsard sous silence, comme il a fait de Clément Marot ? Pour lui, comme pour Boileau, la poésie française commence à Malherbe.

Son admiration est sincère et l’inspire heureusement.

« Malherbe, nourri de la lecture des excellents poètes de l’antiquité, et prenant comme eux la nature pour modèle, répandit le premier dans notre poésie une harmonie et des beautés auparavant inconnues. Balzac, aujourd’hui trop méprisé, donne à notre prose de la noblesse et du nombre. Les écrivains de Port-Royal continuèrent ce que Balzac avait commencé ; ils y ajoutèrent cette précision, cet heureux choix des termes et cette pureté qui ont conservé jusqu’à présent à la plupart de leurs ouvrages un air moderne et qui les distinguent d’un grand nombre de livres surannés écrits dans le même temps. Corneille, après avoir sacrifié pendant plusieurs années au mauvais goût dans la carrière dramatique, s’en affranchit enfin, découvrit par la force de son génie, bien plus que par la lecture, les lois du théâtre, et les exposa dans ses discours admirables sur la tragédie, dans ses réflexions sur chacune de ses pièces, mais principalement dans ses pièces mêmes. Racine, s’ouvrant une autre route, fit paraître sur le