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tenté de croire que tout ce que nous voyons n’est qu’un phénomène qui n’a rien, hors de nous, de semblable à ce que nous imaginons, et j’en reviens toujours à la question du roi indien : Pourquoi y a-t-il quelque chose ? »

Le grand Ampère, qui, plus souvent que d’Alembert et avec plus de confiance et plus d’espoir, aimait à s’égarer dans les ténèbres de la métaphysique, trouvait aussi la différence entre les phénomènes et les noumènes difficile et incertaine.

La question change de nom sans avancer d’un pas. C’est le problème du moi et du non-moi. Quand les savants s’embarrassent pour le résoudre, on pourrait leur répondre, en parodiant le vers d’un grand poète :

Il faut pour l’ignorer avoir fait ses études.

L’étude des objets extérieurs est le premier soin de l’homme : elle a pour origine la nécessité de garantir notre propre corps de la douleur et de la destruction. Il faut donc, avant tout, chercher ce qui nous est utile ou nuisible. Cette recherche nous révèle nos semblables et nous sommes attirés vers eux.

L’explication du rapprochement des hommes est étrange, il faut l’avouer. Mais ce qui suit l’est plus encore. L’homme cherche l’homme, on en convient sans peine ; mais que trouve-t-il ? L’injustice et le vice, dont la vue lui enseigne la justice et la vertu. « Le mal que nous éprouvons par les vices de nos