Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.

jeunes et bien portants d’accroître de quatre ans leur vie moyenne, en se faisant accompagner de deux cents cercueils destinés à recevoir le lendemain ceux qui n’auront pas acquis la certitude de vivre cent ans ?

L’accroissement de la vie moyenne semblerait fort indifférent. Devant la crainte de mourir demain, quels que soient les raisonnements, disparaissent toutes les espérances et toutes les craintes relatives aux quatre-vingts années qui suivent.

D’Alembert dans ses écrits mathématiques manque d’élégance et de clarté. Comment ce savant universel, nourri aux études classiques, habile à disserter spirituellement et avec éloquence sur les sujets les plus divers, cet écrivain célèbre pour la vigueur et la précision de son style, perd-il son habileté et sa grâce en rédigeant ses belles découvertes ? Je hasarderai une explication. D’Alembert à aucune époque de sa vie n’a voulu être professeur. Au sortir du collège et pendant ses études en droit, grâce aux 1 200 livres léguées par son père, il diminuait, en la partageant, la gêne de ses parents adoptifs. Leur ordinaire de pauvres artisans suffisait à la simplicité de ses goûts. Résigné comme son ami Diderot à revêtir souvent un costume en désaccord avec la saison, il n’a jamais consenti comme lui à échanger son temps contre un salaire. Diderot nous apprend sans embarras que, profitant de toute occasion, il enseignait pour gagner le pain quotidien les sciences aussi volontiers que les lettres.

« Que faisiez-vous dans l’allée des Soupirs ?