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« Si les hérétiques n’étaient point soufferts, les fidèles désespéreraient de les ramener dans le giron de l’Église. Les articles de foi sont inébranlables, il n’y a pas de quoi discuter. Chacun est libre de vivre hérétique, mais il faut se taire. »


Les prévenances et les bontés de Catherine pour d’Alembert n’étaient pas, comme celles de Frédéric, exemptes de calcul. Elle voulait bien se laisser louer d’être grande et simple, mais sans abandonner le droit de commander et d’imposer les limites.

D’Alembert, ne comprenant pas ou ne voulant pas comprendre à quelle distance Catherine voulait rester de Frédéric, accepta la mission de lui présenter un mémoire en faveur de quelques prisonniers de guerre envoyés en Sibérie. Ces jeunes gens, recommandables par leur courage, en avaient fait très mauvais usage ; après être venus, en leur propre nom, porter dans ses États l’insurrection et la guerre, ils avaient très indiscrètement, s’il faut en croire Voltaire, dit sur elle des choses horribles.

D’Alembert, en invoquant sa clémence, lui montrait de quel avantage serait pour elle la reconnaissance des philosophes. « La république des lettres, dont la philosophie est aujourd’hui le plus digne organe et dont elle tient pour ainsi dire la plume, ne laissera ignorer ni à la France ni à l’Europe que cette même impératrice qui, du sud au nord, a fait trembler Constantinople, s’est montrée plus grande encore après la victoire que dans la victoire même ;