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pecte toute la répugnance que vous y avez, quoique depuis Malagrida les échafauds aient leur mérite. »

À la lueur d’un bûcher le rire devient sinistre ; d’Alembert, en l’oubliant, fait penser à ce mot de Grimm : « Il semble voir des enfants qui jouent avec les instruments du bourreau ».

Les jésuites, condamnés, traînaient l’affaire en longueur. « Le gouvernement hésitait. Une circonstance fortuite précipita leur ruine. On reçut à la fin de mars 1762 la triste nouvelle de la prise de la Martinique par les Anglais. La prudence du gouvernement voulut prévenir les plaintes qu’une si grande perte devait causer dans le public. On imagina, pour faire diversion, de donner aux Français un autre objet d’entretien ; comme autrefois Alcibiade avait imaginé de faire couper la queue à son chien pour empêcher les Athéniens de parler d’affaires plus sérieuses, on déclara donc au principal des jésuites qu’ils n’avaient plus qu’à obéir au Parlement et à cesser leurs leçons. »

« Il est certain, ajoute d’Alembert, toujours sincère, que la plupart des jésuites, ceux qui dans cette société comme ailleurs ne se mêlent de rien, et qui y sont en plus grand nombre qu’on ne croit, n’auraient pas dû, s’il eût été possible, porter la peine des fautes de leurs supérieurs. Ce sont des milliers d’innocents qu’on a confondus à regret avec une vingtaine de coupables. De plus, ces innocents se trouvaient par malheur les seuls punis et les seuls à plaindre, car les chefs avaient obtenu par leur