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On prépare un ouvrage de géométrie, et sur ce thème les deux amis rencontrent, sans songer que jamais ils en amuseront le public, des plaisanteries qui les réjouissent. Deux ans après, d’Alembert écrit à Voltaire à propos de la dispersion des jésuites d’Espagne : « Notre jeune mathématicien a fait une petite suite pour l’ouvrage que vous connaissez où il traite de l’état de la géographie en Espagne. Vous le recevrez incessamment. »

Voltaire le reçoit et répond :

« J’ai envoyé vos gants d’Espagne sur-le-champ à leur destination ; leur odeur m’a réjoui le nez. »

Le livre fut introduit à Paris par les soins de Marin (frère Marin), secrétaire du lieutenant de police. Ceux qui en reçurent les premiers exemplaires remercièrent le frère d’Alembert. Il ne faut pas regarder le secret, bien ou mal gardé, ni surtout l’impression à l’étranger comme des précautions inutiles. Les ouvrages dans ce cas ne formaient pas délit. La police pouvait les interdire, le Parlement n’avait pas à les juger. Le livre de d’Alembert était défendu, mais il circulait librement. Un an après sa publication, Diderot écrivait : « Le livre de d’Alembert sur la destruction des jésuites, qui n’est rien, a fait plus de sensation dans Paris que les quatre volumes de ses opuscules mathématiques ».

Lorsque d’Alembert se déclare impartial, il a l’intention de l’être ; comme historien, il y réussit. La première partie du livre devait, pour ses amis étonnés, ressembler à une apologie de la société de Jésus.