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herbes ne pouvait ni ne voulait persécuter leurs adversaires. Il saisit l’occasion de donner à d’Alembert une leçon de patience et d’équité.

« Mes principes, lui écrivit-il, sont qu’en général toute critique littéraire est permise, et que toute critique qui n’a pour objet que le livre critiqué et dans laquelle l’auteur n’est jugé que d’après son ouvrage, est une critique littéraire. »

Fréron continua sa polémique vigilante et sévère en relevant, non sans esprit, les méprises, les faiblesses et les emprunts de l’Encyclopédie. La voix de Voltaire,


Cette voix qui s’aiguise et vibre comme un glaive,


redoubla de sarcasmes et d’injures contre celui qu’il appelait Zoïle Aliboron et, dans ses jours de grande colère, Cartouche Fréron.

Il ne serait pas juste, en jugeant les faits, d’oublier l’état des esprits. La guerre était déclarée. Quoique faites avec la plume, les blessures étaient dangereuses et les représailles redoutables. L’irritation était universelle. Chaque jour le Parlement supprimait ou condamnait au feu quelque publication nouvelle. L’emprisonnement d’un auteur, son exil sans jugement ou plus souvent encore sa fuite, étaient devenus des événements sans importance. Les imprimeurs et les colporteurs de livres prohibés étaient condamnés avec une rigueur intermittente et capricieuse, tantôt au carcan, tantôt aux galères, quelquefois à mort. De pieux chrétiens, pour avoir obéi à leur conscience.