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Quel délice ! Il semblait, en tournant chaque page,
Qu’un grand souffle d’air pur me baignait le visage.
Tout mon cher Périgord, aux sites tant aimés,
Passait devant mes yeux éblouis et charmés,
Avec toute sa grâce et toute sa lumière
Qui dore le castel comme l’humble chaumière,
Ses larges horizons estompés de brouillard,
Ses plaines, ses forêts où court le porc-singlar[1],
Et l’ondulation molle de ses collines
Où le matin suspend ses blanches mousselines…


Je voyais le faucheur lançant son dail[2] qui luit
Dans l’herbe qui se couche en tas autour de lui…
Les grands bœufs limousins aux cornes recourbées,
Marchant dans les labours, à larges enjambées,
Pendant que, trébuchant aux pierres du sillon,
Un gouïassou[3] les pique au col, de l’aiguillon,
Et leur lance en patois des insultes naïves…
Je voyais dans les champs, au moment des métives,
Les rudes moissonneurs, venant de leur pas lourd,
Attaquer les blés mûrs, dès la pointe du jour,
Et, penchés sur le sol que la chaleur fendille,
Abattre les épis au creux de leur faucille,
S’arrêtant, pour manger, après leur dur travail,
Un quignon de pain bis frotté de sel et d’ail…

  1. Le sanglier.
  2. La faulx.
  3. Un garçonnet.