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Poésies de Berlin.

Sous son nez romain se plaça
Une double et noire moustache,
Et son œil en feu menaça.
Au manteau de pourpre et d’hermine
Qui sur ses épaules flottoit,
A la Toison d’or qui brilloit
Sous une énorme perle fine,
Et qui de son cou descendoit
Par vingt chaînons sur sa poitrine ;
Au sang encor chaud qui sortoit
A gros bouillons de sa blessure,
Et qui d’un rouge noir teignoit
L’acier luisant de son armure,

nous reconnûmes le duc de Bourgogne lui-même, qui, pour ne pas se trouver humilié par le plus petit prince d’Allemagne, avoit, après sa mort, la fantaisie de se parer d’un ordre qui ne fut institué que par son successeur, et qui depuis quatre cents ans étoit en possession d’étourdir tous les voyageurs de sa querelle. Il nous demanda si elle faisoit toujours beaucoup de bruit dans le monde, et si l’on ne songeoit pas enfin à le venger. Sur ce que nous lui répondîmes qu’il n’en étoit plus guère question que dans quelque grosse histoire de bénédictin, il se mit en devoir de nous la raconter ; et Dieu sait d’oià il l’alloit reprendre.

Quand l’un de nous, le tirant à l’écart,
Et de plus près contemplant sa figure.
Se prit à rire, et, d’un ton goguenard.
Dit : « Monseigneur, vous venez un peu tard
Nous raconter votre triste aventure ;
Croire je veux que narrez avec art.
Mais pour toucher, à vous parler sans fard,
Sentez par trop la vieille sépulture.