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Hélas tout ce coupable bonheur ne dura que quelques mois à peine.  Le prince de ** revint à Paris et ne tarda pas à lire dans les regards  des imprudens leur fatal secret. La princesse partit, le soir même de cette  découverte, pour un château que quatre-vingts lieues éloignaient de Paris, et à quelques jours de là, Frédéric reçut l’ordre de quitter la  France. Encore souffrant de sa blessure, il partit furtivement, non pour  l’exil, mais pour le château où se trouvait Diotima. Là, tandis qu’ils se  disaient en pleurant un adieu peut-être éternel, le prince de *** apparut et les surprit… Nul, excepté eux trois, ne sut ce qui se passa dans  cette terrible entrevue !

Frédéric Hölderlin revint en Allemagne, demeura quelque temps à  Weymar, et ne tarda point à quitter cette ville pour Iéna, où il publia  un recueil de poésies qui obtint le plus brillant succès. Mais la gloire ne  peut rien pour guérir un cœur qui souffre du mal dont Frédéric était  atteint, et ni sa jeune renommée, ni les témoignages d’intérêt que lui  prodiguaient ses amis ne parvinrent à le tirer de sa tristesse morne.  Schiller le prit en affection, déclara hautement qu’il ne connaissait pas  de plus grand poète en Allemagne que Frédéric Hölderlin, demanda  pour son ami une place de professeur que Goëthe sollicitait de son côté  pour un de ses protégés. Ce fut Goëthe qui triompha. Frédéric ne témoigna pas de chagrin de cet échec qui le laissait presque dans la misère. Il continua à mener une vie sauvage et errante. Lavater et Zollikofer voulurent le fixer en Suisse, il s’arrêta quelques instans près d’eux, composa plusieurs morceaux de poésie d’une grande beauté, ébaucha  une tragédie, et un jour disparut sans faire connaître vers quels lieux  il avait porté ses pas.