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battu avec M. le capitaine Paul ***. La princesse de ***, éperdue et sans  s’inquiéter de sa toilette inachevée, courut aussitôt sous le vestibule où  l’on venait de déposer le mourant. Là, pour la première fois, elle prit  garde au précepteur arrivé depuis peu de jours chez elle. Son beau visage, couvert de cette pâleur solennelle que donnent les approches du  trépas, ses longs cheveux épars ; sa poitrine couverte de sang donnaient  à Frédéric quelque chose de si noble et de si touchant, que les larmes  de la princesse couvrirent son visage. Elle s’agenouilla près du pauvre  jeune homme évanoui, le fit transporter dans l’appartement le plus voisin, et envoya chercher les secours nécessaires. Bientôt le chirurgien  arriva. La main posée sur le cœur de Frédéric, la princesse, tandis que  l’homme de l’art soignait le blessé, interrogeait avec anxiété les palpitations restées muettes jusqu’alors et qu’elle sentait renaître enfin. Le jeune Allemand poussa un soupir, ouvrit les yeux et attacha sur Diotima un regard sous lequel elle se sentit frissonner. Par un instinct pudique, elle rajusta le châle qu’elle avait jeté à la hâte sur ses épaules demi-nues, et elle retira doucement sa main. Le chirurgien sonda la blessure,   la couvrit d’un appareil, prescrivit divers soins à observer rigoureusement, et sortit en annonçant qu’il reviendrait bientôt. La princesse le  suivit. 

— Qu’espérez-vous, monsieur ? demanda-t-elle. 

— Rien de l’art, madame ! La nature peut seule le sauver ; mais il  faut un miracle pour cela.

Ainsi le pauvre jeune homme allait mourir, et mourir par la brutalité d’un parent de la princesse ; mourir, parce qu’il était venu d’Allemagne chez elle ! de l’Allemagne, sa patrie à elle aussi ! Elle veut conjurer cette triste destinée dont elle est presque la cause. Pour cela, elle  donnera elle-même des soins au malade jusqu’à ce qu’il soit hors de péril ou que tout soit fini !