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tale, sans remarquer l’attention qu’attiraient sur lui son visage pâle, ses  vêtemens noirs d’une coupe étrangère et sa longue chevelure blonde  éparse sur ses épaules. Habillé et coiffé comme il se coiffait et s’habillait dans son pays, il était, sans le soupçonner, presque ridicule à Paris. Disons en passant que trop pauvre pour continuer à étudier dans le Wurtemberg, il était venu à la fois, à Paris, poursuivre ses travaux littéraires et remplir les pénibles fonctions de précepteur chez une personne de grande distinction, et qui touchait presque à la famille impériale… Tout à coup, il se sentit brusquement heurté par un coup à l’épaule ! Il se retourna vivement et aperçut derrière lui un groupe de militaires qui jetaient de grands éclats de rire, et un officier de hussards qui rejoignait le groupe. Le rouge de la colère au visage, Frédéric marcha droit à celui qui l’était venu pousser à dessein, et lui demanda les motifs d’un pareil outrage.

— Pourquoi ? parce que ta figure me déplaît, pékin ! répondit le capitaine d’une voix avinée.

Cette réponse redoubla la gaité de ses amis et leurs éclats de rires  homériques.

— Qui de vous autres, messieurs, va me prêter une épée ? répondit  le jeune Allemand. 

— Nous n’avons que des sabres ! lui répliqua-t-on. 

— Je n’ai jamais touché un sabre. Mais, n’importe ; donnez-m’en un. 

— Non pas, dit son adversaire ; non pas, pékin ! Le choix des armes  vous appartient, et je ne veux pas vous l’ôter. Il y a là-bas, à l’extrémité de la galerie, un armurier ; achetons-y des épées. 

— Soit ! Un de ces messieurs voudra bien me servir de témoin.