Page:Berthoud - Hölderlin, paru dans La Presse, 06 septembre 1840.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Frédéric resta deux années dans l’hospice de Tubingue. Ce temps  écoulé, quand sa guérison fut reconnue impossible, on le plaça chez un menuisier, qui, moyennant un léger salaire, le prit en pension. Là, pendant vingt années entières, dans un coin de la boutique et parmi les  déchets de bois, on vit accroupi et vêtu de mauvais haillons le poète à  qui Schiller avait promis tant de gloire ! Les enfans du menuisier s’étaient  fait une sorte de jouet de l’insensé : il fallait qu’il leur chantât des chansons, qu’il dansât, qu’il fit des cabrioles… et il ne refusait rien de tout  cela pour un peu d’eau-de-vie !

Enfin, Dieu prit pitié de ce pauvre corps sans âme, et vers la fin de  1836, on trouva l’idiot doucement endormi sur les rognures de bois qui  lui servaient de lit. Quand on ôta ses habits pour l’envelopper du suaire, on découvrit cachées sur sa poitrine, dans un sachet de soie, deux  boucles de cheveux et deux lettres. Ces lettres et ces cheveux étaient de  chacune des deux Diotima.

S. HENRY BERTHOUD.