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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— À merveille !… Vous vous croyez donc bien sûre de votre pouvoir sur ce malheureux Fleuriot ?

— Mon pouvoir sur le frère est beaucoup plus certain que le vôtre sur la sœur. J’ai appris du nouveau à l’égard de l’institutrice, et vous perdez votre temps auprès d’elle, car elle est dans les meilleurs termes avec un inspecteur des télégraphes arrivé ce soir à Puy-Néré, et qui m’a tout l’air d’un fiancé en titre… Votre participation à l’entreprise commune est donc devenue inutile, et vous me laisserez tout le labeur, comme tout le profit de cette affaire.

— C’est pourtant ce que je ne ferai pas, madame, répliqua Cransac avec fermeté ; non-seulement je ne veux pas tromper ce jeune homme, mais encore je ne veux pas qu’un autre le trompe sous l’autorité de mon nom… Vous partirez demain avec moi.

— Et si je refuse ?

— Vous êtes ici dans une maison qui m’appartient et…

— Et vous oseriez m’en chasser ? interrompit Fanny le teint enflammé, les yeux en feu ; sur mon âme ! j’ai envie de risquer l’épreuve !… D’ailleurs, pensez-vous, monsieur, que je ne trouverais pas à me loger dans le village ou dans les environs ?

— Oui, mais peut-être, avant mon départ, ne pourrais je résister à la tentation de dire ici ce qu’est ma prétendue seur… Ne me poussez pas à bout, Fanny ; vous le savez, je suis aveugle dans mes colères !

— Et moi je ne recule jamais quand il s’agit de me venger. Je vous défie de commencer le guerre, Hector de Cransac, car je vous la ferai bonne et je vous rendrai hardiment coup pour coup !… Est-il donc si difficile d’écrire quelques mots à un procureur du roi pour l’éclairer sur la nature des opérations financières qu’accomplissent messieurs de Cransac et Colman à la bourse de Bordeaux ?