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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Pourquoi ne vous adresseriez-vous pas avec franchise à M. Fleuriot, et, après lui avoir répété notre conversation, ne lui demanderiez-vous pas nettement s’il a en sa possession ces documents ?

— C’est vrai, madame la marquise ; mais… je n’ose pas.

— Comment donc ! Est-ce qu’il serait despote, brutal ?

— Brutal, lui !… Il s’emporte quelquefois contre les autres ; mais envers ma mère et envers moi c’est l’homme le plus doux, le plus patient, le plus affectueux du monde. Seulement, peut-être sera-t-il fâché quand il apprendra que je vous ai fait la confidence de ses mécomptes, de ses déceptions…

— Il vous pardonnera, ma chère Lucile, il ne peut ignorer que je suis son amie… Enfin, mademoiselle, ajouta Fanny en se levant, vous déciderez si vous voulez ou non mettre à profit ma bonne volonté et celle d’Hector ; vous êtes meilleur juge que personne en pareille matière.

Elle avait pris un petit air pincé, comme une personne qui voit son dévouement méconnu.

— Oh ! pardon, madame la marquise, s’écria l’institutrice effrayée, je sais combien vous êtes bonne, et je suis pénétrée de reconnaissance pour l’obligeant intérêt que vous nous témoignez. Mon frère lui-même, quelle que soit sa fierté, ne peut manquer d’en être touché. Hier encore il me parlait de vous avec tant d’admiration, d’amitié respectueuse !… Allons ! je le verrai ce soir, je lui répéterai notre entretien et, s’il possède les documents dont il s’agit, je ne doute pas qu’il les mette à votre disposition… Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre des protecteurs si généreux et si puissants !

— Petite flatteuse ! répliqua Fanny en touchant du bout de son doigt la joue fraîche de la jeune fille ; mais ce frère, qui observe et admire tant de choses, ne s’est-il jamais aperçu que vous êtes ravissante ?