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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Tenez ! laissons là M. de Cransac et parlons de votre frère, à vous, ma chère demoiselle ; voilà un homme comme on en rencontre trop peu dans le monde !

— Vous lui rendez justice, madame la marquise, répliqua l’institutrice dont les yeux brillèrent de plaisir ; et pourtant nul ne peut savoir, hormis ma mère et moi, combien Raymond est bon, généreux, dévoué, en même temps qu’instruit et plein de raison !

— J’ai deviné tout cela, mademoiselle, quoique M. Fleuriot soit peu communicatif… Il m’a paru très-supérieur à sa condition présente, et je m’étonne qu’il n’ait pas cherché à obtenir un poste plus avantageux.

Fanny, on le voit, saisissait avec habileté l’occasion de questionner la sœur, comme Cransac avait questionné le frère. Sa tentative fut plus heureuse que celle du vicomte.

— Il y a songé, madame, répliqua l’honnête jeune fille naïvement, et nous avons espéré un moment le succès… mais les choses ont tourné mal… Nous ne sommes pas habitués au bonheur !

— Vraiment, ma chère, demanda Fanny avec un intérêt très-réel ; contez-moi donc cela, je vous prie.

— Raymond n’aime pas que l’on parle de cette malheureuse affaire, reprit mademoiselle Fleuriot en baissant la voix, et il croit que si elle était divulguée elle pourrait lui porter préjudice auprès de son administration… Vous allez voir s’il ne mérite pas plus de sympathie que de colère.

En même temps, Lucile raconta des faits qui sont déjà connus du lecteur. Raymond Fleuriot était cet employé du télégraphe dont avait parlé Colman, et qui avait inventé un nouveau système de signaux plus complet et plus parfait que l’ancien. L’institutrice exposa au prix de quelles veilles, de quels efforts, son frère était parvenu à résoudre le difficile problème, et comment, dans l’impossibilité d’aller lui-même présenter son travail à l’administration centrale, il