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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

posait sur la partie exhaussée du hamac, et d’un de ses pieds, qu’elle laissait pendre, s’était échappée une mignonne mule de satin qui gisait sur le tapis à côté d’une brochure de modes.

Dans cette pose nonchalante, la belle boudeuse méritait bien un regard d’attention ; cependant le vicomte continuait de noter les signaux du télégraphe, sans même daigner retourner la tête, si bien que la jeune femme se révolta enfin contre cette apparente indifférence. Se redressant par un mouvement brusque, elle dit d’un ton de colère :

— Pour Dieu ! Hector, n’en finirez-vous pas aujourd’hui avec cette sotte machine ? Depuis plusieurs heures on n’a pu vous arracher un mot… Et cela quand je suis triste, ennuyée, quand je sens tous les symptômes de ce qu’on appelle le mal du pays !

Et elle s’affaissa de nouveau dans son hamac.

Un moment ! Fanny ; un peu de patience, ma chère, répondit le vicomte toujours sans se déranger, mais d’un ton caressant ; véritablement le ministre expédie là une interminable dépêche !

— Eh bien ! qu’est-ce donc que cette dépêche ? demanda Fanny, qui, la glace une fois rompue, ne voulait pas que la conversation tombât de nouveau ; est-elle donc si importante ?

— Hélas ! vous savez bien que je l’ignore. J’ai beau noter les signaux qui passent, je n’en vois pas un de ma connaissance… Et pourtant, ajouta-t-il en jetant un regard rapide sur la pendule qui décorait la cheminée, voici l’heure de la Bourse… Sans compter que c’est aujourd’hui mardi, jour du tirage de la loterie à Paris… Que font-ils donc ? Je ne comprends rien à ce retard.

Fanny ne répondit que par une moue encore plus prononcée, et s’agita avec dépit. Au bout d’un moment Hector s’écria :

— Ah ! voici enfin un signal connu… Il annonce une