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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Avec un couteau qu’il tira de sa poche, il se mit à creuser une petite fosse. La tâche était facile dans ce sol léger et sablonneux. Au bout de quelques minutes, la fosse se trouva assez profonde. Alors Fleuriot saisit le chien avec deux morceaux de bois et le fit glisser dans le trou ; il prit les mêmes précautions à l’égard du canard que Grélu avait déchiré et dont il ne restait que des lambeaux, et, toujours sans le toucher, le mit à côté de l’autre corps. Puis il recouvrit l’un et l’autre avec du sable, et pour comble de pré caution, il alla chercher deux ou trois grosses pierres qu’il déposa par dessus.

— Là ! reprit-il, de cette manière il ne peut y avoir de danger pour personne… Pauvre Morisset ! que va-t-il dire en apprenant comment a fini son camarade à quatre pattes ! Eh bien, monsieur, êtes-vous en état de marcher, maintenant ? Il ne doit pas être loin de midi, et l’administration ne plaisante pas avec nous autres !

Le vicomte, qui semblait plongé dans une sorte de rêverie, s’empressa de se lever, ramassa son fusil, et reprit avec Raymond la route du village. D’abord sa marche était chancelante, mais bientôt elle se raffermit, et ils cheminèrent côte à côte à travers la lande.

Cependant la conversation n’était plus vive et animée comme auparavant. Cransac paraissait sombre et contraint ; il ne répondait que par monosyllabes aux observations de Fleuriot. Celui-ci finit par croire que le vicomte n’était pas complétement remis de sa faiblesse ou qu’il éprouvait de la honte de s’être montré un peu pusillanime ; et après quelques essais infructueux pour le tirer de sa taciturnité, il garda lui-même le silence.

Quand ils atteignirent Puy-Néré, et quand ils durent se séparer, l’un pour rentrer au Château-Neuf, l’autre pour monter au télégraphe, Hector de Cransac, qui depuis quelques instants regardait son compagnon sans avoir le