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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Ce ne sera rien, dit Raymond d’un ton encourageant, Je comprends votre frayeur, monsieur le vicomte ; car, moi qui ai vu plus d’une fois une batterie de canons se disposer à me balayer avec une foule d’autres braves garçons, je n’ai jamais éprouvé l’émotion que j’éprouvais tout à l’heure à saisir ce maudit Grélu par la peau du cou… Il y a mort et mort, voyez-vous, et mourir enragé !… Mais ne pensons plus à cela. Maintenant vous allez pouvoir vous remettre en chasse.

— J’ai assez de la chasse pour aujourd’hui, répliqua Hector avec un faible sourire.

— Quoi ! vous ne voulez pas tuer un autre de ces beaux oiseaux que vous désirez tant ? Je les ai vus se remiser là bas dans les joncs, de l’autre côté de l’eau… Quant à moi, je suis dans la nécessité de vous quitter, car je dois être au télégraphe à midi précis pour relever Morisset… Comme vous savez, nous attendons notre inspecteur et il ne faut pas qu’il nous trouve en faute.

— Eh bien, je vais rentrer avec vous, dit le vicomte en essayant de se relever ; je vous le répète, je ne suis ni d’humeur ni de force à chasser davantage ce matin.

En effet, à peine fut-il debout qu’il sentit de nouveau la tête lui tourner.

— La vigueur n’est pas entièrement revenue, reprit Fleuriot avec bienveillance ; les jambes sont comme en coton, n’est-ce pas ? J’ai éprouvé cela après ma maudite blessure… Eh bien ! puisque nous devons rentrer ensemble à Puy-Néré, reposez-vous encore, pendant que je vais m’occuper d’une besogne indispensable.

— Que voulez-vous donc faire ?

— Eh ! serait-il prudent de laisser ce corps exposé au contact soit des êtres humains, soit des bêtes sauvages, soit même des insectes, qui ensuite pourraient propager la contagion dans le pays ?… Vous allez voir.