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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Par pitié ! dit-il d’une voix éteinte, dépêchez-vous… Je n’en puis plus !

À cet appel désespéré, Raymond bannit toute prudence, et asséna sur la tête de Grélu un si violent coup de canne qu’il semblait devoir lui briser le crâne. Mais il avait compté sans l’énorme vitalité que la rage développe chez le chien pendant les crises. Grélu, abandonnant le vicomte, se releva convulsivement et fit face, tout baveux et sanglant, à son nouvel adversaire. Le souvenir des bons traitements de Fleuriot s’était effacé ; il s’élança sur l’ami de son maître pour le déchirer de ses dents venimeuses, pour lui inoculer la mortelle contagion.

Raymond avait prévu le cas. Aussi leste que vigoureux, il évita le chien par un saut de côté et lui porta un second coup de canne. Comme la misérable bête essayait de se relever encore, il la saisit prestement par la nuque, l’éleva au-dessus de sa tête, puis la lança contre terre avec tant de force que tous les os se brisèrent et qu’elle resta cette fois sans mouvement et sans vie.

Cet exploit accompli, les deux hommes demeurèrent silencieux. Fleuriot considérait avec attention cette masse sanglante qui palpitait encore à ses pieds.

— Allons ! tout est fini, reprit-il tranquillement ; il n’y a plus de danger… Êtes-vous sûr de n’avoir pas été atteint, monsieur le vicomte ?

— Oui, grâce à vous, monsieur Fleuriot… Merci, vous m’avez sauvé la vie… bien plus que la vie !

En même temps Cransac s’affaissa au pied de l’arbre et parut sur le point de perdre connaissance.

Fleuriot courut à l’étang, et, après s’être soigneusement lavé les mains, revint rapporter un peu d’eau qu’il jeta au visage du vicomte. Mais déjà Hector reprenait ses esprits.