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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Son énergie pe tint pas contre cette nouvelle difficulté ; une inexprimable angoisse s’empara de lui, et s’adossant à l’arbre afin de ne pas être attaqué par derrière, il se mit à pousser de grands cris.

Le chien hydrophobe, quoique surpris de ces clameurs et intimidé par les mouvements de la baguette que le vicomte agitait maintenant sans relâche, ne s’enfuit pas, ne sembla pas renoncer à son irrésistible désir de déchirer et de mordre. Seulement, au lieu de rester, comme auparavant, immobile devant Cransac, il tournait autour de lui, la langue pendante, en cherchant à surprendre sa vigilance.

Le vicomte n’espérait guère que ses cris pussent être entendus, et il se demandait comment il éviterait une lutte corps à corps avec cet affreux petit quadrupède, quand, à son vif étonnement, une voix s’éleva à quelque dis tance.

— Tenez ferme, monsieur de Cransac ; disait-on, me voici !

Le vicomte leva les yeux et aperçut Raymond Fleuriot à moins de quarante pas. On ne se serait pas douté en ce moment de l’infirmité de l’ancien soldat, tant sa course était rapide, et il ne songeait même pas à s’appuyer sur sa canné, qu’il brandissait avec assurance.

Hector de Cransac, profondément corrompu, n’avait plus que bien peu de bons sentiments dans le cœur. Cependant, à la vue de cet homme qui accourait sans hésitation et sans crainte à son secours, un reste de générosité s’éveilla en ini et il s’écria :

— Prenez garde, monsieur Fleuriot, le chien de Morisset est atteint de la rage !

— Je m’en suis douté, reprit Raymond sans cesser d’avancer, quand, en revenant de chez la mère Bardonet, qui