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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

l’entendre dans ce désert ? Il se voyait donc condamné à demeurer immobile et le bras levé, en face de cette hideuse bête, jusqu’à ce qu’elle jugeât convenable de se retirer ou qu’elle tombât vaincue par le mal mortel qui la minait.

Dans son anxiété, Cransac aperçut à une douzaine de pas de la un châtaignier dont les basses branches lui permet traient peut-être de se placer hors des atteintes du chien hydrophobe. Mais comment arriver à cet arbre sauveur ? S’il tournait le dos, il était certain que Grélu allait s’élancer sur lui. Or, à la pensée seule d’un contact avec l’horrible roquet, Hector sentait ses cheveux se dresser sur sa tête, et un frisson parcourir ses membres. En désespoir de cause, il fit lentement un pas en arrière, sans cesser de me nacer Grélu, qui, à son tour, avança d’autant sans changer d’attitude.

Cependant, le vicomte ne renonça pas à son projet. Il continua de marcher à reculons, s’arrêtant à chaque pas et réprimant par une agitation de sa baguette les velléités agressives du chien. À mesure qu’il approchait ainsi de l’arbre où il comptait trouver un asile, Grélu le suivait avec opiniâtreté, si bien que la distanee entre eux ne diminuait pas.

Il n’y avait pas loin, comme nous l’avons dit, du châtaignier à l’endroit où avait commencé cette lutte singulière. Néanmoins Cransac employa plus de cinq minutes à faire ce trajet, et ces cinq minutes lui parurent des heures. Quand il parvint à l’arbre, après des tâtonnements et des transes infinies, il avait le visage baigné de sueur, la poitrine haletante ; ses jambes tremblantes se dérobaient sous lui. Il se croyait sauvé, mais une nouvelle difficulté se révéla ; les branches du châtaignier étaient beaucoup plus hautes qu’il ne l’avait calculé, et il ne pouvait les atteindre, même en s’élançant de toute sa vigueur`.